Autrefois system seller adulé des joueurs, le bon vieux genre du shoot'em up est bien malgré lui tombé progressivement en désuétude, pour ne finalement briller qu'aux yeux des mordus de danmaku en quête de crise d'épilepsie carabinée. Heureusement, il suffit parfois d'un twist audacieux pour relancer la donne.
En l'occurrence, c'est à un mariage inattendu que nous convie le studio canadien Spacewave Software : celui du shoot à l'ancienne avec le puzzle-game compétitif. Un peu comme si Super Aleste avait dit oui à Puyo Puyo. Mais le mariage de raison peut-il mettre à la mal la triste promesse de Frédéric Beigbeder ? Réponse dans une poignée de paragraphes.
Space War
Rival Megagun ne laisse guère planer de doute sur son orientation compétitive, puisque la notion de rivalité nous saute à la gorge dès son titre. S'il s'avère que le jeu a bel et bien été pensé autour de la lutte frontale sur un même canapé, il n'oublie pas pour autant de concéder un mode arcade qui fera office de solide didacticiel pour les joutes à venir. Et si ce mode solo ne propose finalement rien d'autre que des combats en cascade contre une I.A., il permet de se familiariser avec les spécificités de chaque pugiliste de l'espace, mais aussi de découvrir rapidement le théâtre de cette drôle de bataille. Dans la grande tradition du versus fighting à l'ancienne, Rival Megagun prend quand même le temps de mettre en place quelques éléments scénaristiques, comme si l'être humain avait réellement besoin d'un quelconque prétexte pour aller taper sur son voisin.
Ici, ce prétexte prend la forme d'un bon vieux tournoi des familles, dans lequel vous n'aurez d'autre choix que de vaporiser dans l'espace vos différents adversaires aux motivations aussi diverses que variées. Si les vignettes de chaque pilote prennent des airs de travaux d'arts plastiques d'un élève de quatrième n'ayant pas réussi à dépasser le stade du fanart insipide, leurs capacités in-game se révèlent heureusement bien plus intéressantes. Au programme, donc, nous trouverons un ramassis de clichetons carabinés avec Gen l'ado fan de jeux vidéo, Dr. Magic le méchant très méchant, Nano l'indispensable femme aux cheveux roses so 2018, Ruby le beau gosse de service, Buddy le robot pour faire japonais-mais-pas-trop, et Smith, la gamine de service.
Extreme G
Fort heureusement, on oubliera bien vite les visuels déplaisants au possible de ces six pilotes de l'extrême, pour se concentrer sur leurs capacités propres. C'est que le choix de votre vaisseau va conditionner votre style de jeu, et il faudra donc essayer ce court roster pour trouver son main de rigueur. Que les joueurs pressés se rassurent : le benchmark sera bien vite bouclé, notamment grâce à ce fameux mode arcade qui fera rapidement apparaître quelques déséquilibres assez flagrants pour jeu de ce genre. C'est que nous n'en avons pas encore parlé, mais Rival Megagun vous demandera d'annihiler sans ménagement votre opposant, au sein d'affrontements en écran splittés.
Ce n'est évidemment pas un hasard, puisqu'à l'instar d'un Puyo Puyo précédemment cité, il vous faudra mettre des bâtons de l'espace dans les réacteurs de vos adversaires. Pour cela, les traditionnelles mécaniques du shoot'em up reprennent leurs droits, et vous demanderont de faire preuve de réflexes de ninja pour esquiver les boulettes, tout en maintenant votre compteur de hits à flot. Vos chains vont en effet faire grimper une jauge d'attaque, qui vous permettra de déclencher deux types de fureur. La première, mesurée, dépendra de votre pilote, chacun d'entre eux faisant preuve d'une certaine originalité : du missile à tête chercheuse qui loupe toujours sa cible aux rayons lasers traversant, vous pourrez rapidement mesurer la pertinence de votre choix. La seconde, plus japonisante, transforme votre vaisseau en mécha avide de destruction. Les codes du genre ont fort heureusement respectés, puisqu'il faudra maintenir sa chain pour voir sa jauge grimper en flèche, ce qui ne s'avère pas toujours si simple, dans la mesure ou les slaves d'ennemis restent savamment espacées, sachant que certains d'entre eux réapparaîtront sur l'écran adverse plutôt que de disparaître dans le néant.
L'École des Rivaux
Et c'est avec ces seules mécaniques que Rival Megagun entend occuper vos soirées d'hiver : en misant sur l'originalité du concept et la rejouabilité quasi-infinie des versus fighters 2D pour voir s'enchaîner les parties, jusqu'au bout de la nuit. Dans les faits, le jeu fait vraiment preuve d'une fraîcheur bienvenue, mais donne la sensation de jouer au mode deux joueurs d'un shoot plus classique. Sauf que de shoot classique, il ne sera justement point question ! C'est d'autant plus dommage que l'esthétique rétro du jeu de Spacewave s'avère extrêmement plaisante, avec ses différents niveaux de scrollings et ses sprites façonnés avec amour.
Jouable en local et en ligne, le mode versus s'avère au final assez plaisant pour y passer quelques joyeuses heures de joutes revanchardes, au fur et à mesure que l'on commence à mesurer les forces et faiblesses du roster certes réduits, mais aux capacités vraiment différentes. La transformation en mécha constitue le meilleur exemple : alors que l'écran voit sa barre de séparation voler en éclat, votre vaisseau vient regarder l'adversaire droit dans les yeux, avant de choisir comment s'en débarrasser en alternant les quatre types d'attaque proposées. Ces phases de combat plus directes se révèlent suffisamment intenses pour relancer quoi qu'il arrive une partie supplémentaire, car comme dans un bon jeu de combat, le déroulement d'un combat mené sans retenue affectera nécessairement le suivant. Tout comme la gestion d'une jauge de fury s'avère déterminante dans n'importe quel Street Fighter, celle de Rival Megagun demande elle aussi d'être consommée avec intelligence et parcimonie.